JUDOGI
Mon grand père, Anatole Bodnia est arrivé de Russie à l'âge de 4 ans, il a grandi en France. Accompagné de ma grand mère Dora, il a toujours beaucoup voyagé, Afrique, Asie, dans les années 50, 60,...
De sa passion pour le Japon et des hasards de la vie, il a crée à la fin des années 50 une société spécialisée dans les arts martiaux : Judogi .
Il importait du Japon et aussi y faisait fabriquer kimonos, hakamas, katanas, wakisaki... Une fois par an, il effectuait un grand voyage et rendait visite à ses fournisseurs et en profitait pour continuer à explorer le pays. Il fournissait les clubs français et étrangers, les magasins de sport et bientôt également les Jeux Olympiques (Montreal, Los Angeles, Moscou...) il avait créé un système ingénieux d'antidérapant pour ses tatamis, il éditait des livres aussi...
Lors de foires, il transformait ses stands en salon de thé, tatamis et geishas en costumes compris. Finalement, il a arrêté après qu'il ait réalisé que certains visiteurs importunaient un peu trop ces jeunes japonaises...
Tous ses petits enfants ont tous fait du Judo, j'ai terminé ceinture orange. Très petit aussi j'ai travaillé chez lui, très fier de cette entrée dans le monde du travail, des envois publicitaires (mes premiers mailing, il y en aura beaucoup d'autres!) puis en temps que vendeur extra ou je renseignai sur des kimonos ou des nunchakus d'entraînement...
Collectionneur, il avait entre autres à l'arrière du magasin fait décorer son bureau de pièces qu'il avait rapportées de ses voyages, un samourai grandeur nature, armure noire et métal sur corps laqué rouge; Des tatamis de repos, en paille et bordés de toile noire; Une cloche gigantesque de bronze noir; Un paravent de bois laqué noir incrusté de geïshas de nacres; Des soques de bois, pailles et velours noir; Des kimonos aux dessins graphiques bleus et noirs qu'il utilisait comme peignoir d'intérieur...
Très tôt donc et grâce à lui j'ai rencontré le Japon, ma première expérience de l'exotisme, de l'ailleurs, du «beau-bizarre». Tous ces objets nous fascinaient, mes frères et soeurs et mes cousins, nous faisaient aussi un peu peur... Il ont été très marquants dans mon rapport à l'étrange, au beau, au rêve la différence aussi. Il faut replacer dans son contexte des années 60 et 70, ou l'exotisme commençait très vite, les gens voyageant moins, le Japon et l'Asie semblaient tellement loin.
Je n'ai réellement connu le Japon que plus tard dans ma vie, lorsque j'avais ma ligne de vêtements. Boutiques, licences avec Edwyn, défilés, tourisme et jeux de télé réalité centrés autour de mannequinat à Paris dans mes défilés !...
Le PROJET
Retrouver et retourner au Japon, dans cet autre chapitre de ma carrière. De nouveau, à travers mon histoire personnelle comme souvent dans mon travail, retrouver le Japon sur un autre mode, orienté sur l'étude de l'artisanat à travers les souvenirs de mon grand-père et de son univers qu'il nous offrait.
Réfléchir à ces objets magnifiques, imposants, (Armure de Samouraï, cloche, paravent, tatamis ) qui ont en quelque sorte et en partie initié mon imaginaire. Et au delà de ces objets, c'est la sensation de mystère et l'état d'émerveillement que je voudrais retrouver et retraduire.
J'aime l'idée des choses non pas cachées mais qui se découvrent. Que la première perception soit presque immédiatement bousculée, modifiée, transformée, déplacée. Plus que la vision, ce qui m'intéresse est la perception des choses, des objets, l'impression et l'émotion dégagée et ressentie .
Je m'intéresse beaucoup à la lumière, elle joue un rôle important dans mon travail. Au Japon, les lampes de papier, les lampions de fêtes religieuses, tout cet univers de papier et de lumière, de contraires (feu / papier / lumière) m'attire beaucoup.
Je pars quatre mois vivre à la villa et étudier, rencontrer des artisans, des fabricants qui travaillent ces techniques, ces savoirs faires et confronter ces études au souvenir des objets japonais de mon enfance et à mon regard actuel. Je pars y réaliser des lampes de papier d'après le souvenir de ces objets. Utiliser ces techniques japonaises de lampes de papier pour créer des grands volumes de papier rétro-éclairés, comme des fantômes, des présences blanches.